La Fileuse
- Assise, la fileuse au bleu de la croisée
- Où le jardin mélodieux se dodeline ;
- Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
- Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
- Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
- Elle songe, et sa tête petite s’incline.
- Un arbuste et l’air pur font une source vive
- Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
- De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.
- Une tige, où le vent vagabond se repose,
- Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
- Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
- Mais la dormeuse file une laine isolée ;
- Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
- Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
- Le songe se dévide avec une paresse
- Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
- La chevelure ondule au gré de la caresse...
- Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
- Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
- Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
- Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
- Parfume ton front vague au vent de son haleine
- Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte
- Au bleu de la croisée où tu filais la laine.